Le lait , mieux vaut éviter

Boire du lait à l’âge adulte est une adaptation génétique récente dans l’évolution que seule une minorité́ d’humains possède. Selon des études récentes, cette tolérance au lactose apporterait cependant peu de bienfaits importants, car la consommation de lait ne réduit pas le risque de fractures et pourrait même accroitre le risque de cancer de la prostate.

Le lait a la caractéristique de contenir du lactose, un sucre formé par l’assemblage d’une molécule de glucose et d’une molécule de galactose. Pour les jeunes enfants, la présence de ce lactose ne pose aucun problème, car ils produisent une enzyme (la lactase) qui dé- grade ce sucre et lui permet d’être absorbé par l’intestin.

En vieillissant, par contre, un grand nombre de personnes cessent de produire cette lactase et le lactose non digéré est alors fermenté par les bactéries intestinales, ce qui peut provoquer de nombreux désagréments (ballonnements, flatulences, diarrhées).

65% de la population mondiale incapable de le digérer le lait

Cette intolérance au lactose est beaucoup plus fréquente qu’on peut le penser: on estime que 65 % de la population mondiale est incapable de digérer le lait à partir de l’âge de sept ou huit ans! Du point de vue biologique, le lait est donc un aliment essentiellement destiné aux enfants, que seule une minorité d’adultes peut consommer régulièrement.

Dans les régions nordiques du globe, la proportion d’adultes qui digèrent le lait est cependant beaucoup plus élevée (environ 80 % au Canada). Cette situation s’explique par le fait que la plupart des habitants du Nord sont des descendants directs des peuples d’Europe qui ont été les premiers à pratiquer l’élevage de bovins.

Au départ, tous ces éleveurs étaient intolérants au lactose et ne pouvaient consommer le lait que sous une forme fermentée (au cours de la transformation bactérienne du lait en yogourt, fromage ou kéfir, le contenu en lactose du lait est fortement réduit). Il y a environ 7500 ans, une mutation génétique permettant une production soutenue de la lactase à l’âge adulte est cependant apparue dans cette population et lui a permis de boire directement le lait. À une époque où trouver suffisamment de nourriture représentait un défi de survie, l’impact de cette mutation a été extraordinaire et elle s’est rapidement intégrée dans le patrimoine génétique de la population européenne et, par la suite, nord-américaine.

La tolérance au lactose est donc un exemple assez rare de sélection induite non pas par la biologie, mais par le comportement humain; elle est donc très récente, comparativement aux centaines de millions d’années d’évolution qui ont façonné et sélectionné le reste de nos gènes.

Augmentation du risque de fracture et de mort prématurée

Contrairement aux fromages et yogourts, le lait cru se contamine rapidement et il est depuis toujours associé à de nombreuses maladies graves, comme la tuberculose. Ce n’est donc qu’après l’introduction de la pasteurisation, à la fin du 19e siècle, que la consommation de lait a réellement pris son envol pour devenir un des piliers de l’alimentation occidentale. En Europe, par exemple, les guides alimentaires recommandent aux adultes de consommer chaque jour de deux à trois portions de lait et substituts, ce qui correspond à 750 ml de lait.

La raison la plus souvent invoquée pour boire du lait est son riche contenu en calcium: puisque ce minéral donne force et résistance aux os, il a été proposé que la consommation abondante de lait pourrait améliorer la santé de la masse osseuse et prévenir l’ostéoporose et les fractures. Pourtant, des études ont montré que les femmes nord-américaines, qui boivent du lait et consomment quotidiennement près de 1000 mg de calcium, sont 10 fois plus touchées par les fractures de la hanche que les femmes asiatiques, qui ne boivent absolument pas de lait.

Ces observations ont été récemment confirmées par une étude de grande envergure réalisée auprès de 100 000 hommes et femmes, qui montre que la quantité de lait consommée durant l’adolescence n’a aucun impact sur le risque de fracture à l’âge adulte.  Une autre étude rapporte même que la consommation de deux à trois verres de lait par jour à l’âge adulte augmente le risque de fractures chez les femmes et est aussi associée à une hausse du risque de mort prématurée.

Risques accrus de certains cancers : prostate, poumon, sein, ovaire

Une analyse rigoureuse de 32 études portant sur l’impact du lait sur le risque de cancer de la prostate indique quant à elle que les hommes qui consomment beaucoup de lait (400 g par jour) courent 7 % plus de risque de développer un cancer de la prostate, probablement en raison d’une augmentation du taux sanguin d’un facteur de crois- sance (IGF-1).

Une association entre la consommation de lait et le risque de cancer est également suggérée par l’observation que les personnes intolérantes au lactose, qui ne boivent donc pas de lait, sont significativement moins à risque d’être touchées par certains cancers (poumon, sein, ovaire) que celles qui en consomment régulièrement.

Ces observations permettent donc de penser que boire du lait à l’âge adulte n’est pas essentiel au maintien d’une bonne santé et pourrait même avoir certains effets néfastes lorsqu’il est consommé en trop grandes quantités. Cela n’a rien de très étonnant si l’on considère que les deux tiers des habitants de la Terre n’en consomment jamais à cause de leur intolérance au lactose, et ce, sans répercussions négatives sur leur santé. Une alimentation riche en végétaux et faible en viandes rouges, combinée à une activité physique régulière, demeure la clé pour conserver des os forts et robustes en vieillissant.

Source :

-Willett WC. Eat, drink and be healthy: The Harvard medical school guide to healthy eating. Free Press, New York, 2001, p. 163.

Feskanich D et coll. Milk consumption during teenage years and risk of hip fractures in older adults. JAMA Pediatr, 2014; 168:54-60.

Michaëlsson K et coll. Milk intake and risk of mortality and fractures in women and men: cohort studies. BMJ, 2014; 349:g6015.

(5) Ji J et coll. Lactose intolerance and risk of lung, breast and ovarian cancers: aetiological clues from a population-based study in Sweden. Br J Cancer, 2015; 112:149-52.

 

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